Pendant qu'Héra tentait l'auto-reproduction avec le succès relaté dans l'article précédent, son mari Zeus, lui, prenait du bon temps. Déjà, il fricota avec l'Océanide Eurynomé et eut trois filles d'une extrême beauté, les trois Grâces, Aglaé, Euphrosyné et Thalie.
Mais le roi des dieux ne s'en tint pas au score lamentable de trois maîtresses illégitimes. Oh que non ! Un beau jour, Zeus croisa son ancienne complice, l'Océanide Métis, qui autrefois lui avait conseillé de faire recracher à Cronos les autres Olympiens, et qui lui avait donné la drogue pour ce faire. Métis était l'incarnation de l'Intelligence prévoyante, rusée, subtile, une intelligence aussi grande que celle de Zeus lui-même. On ne sait pas trop comment cela se passa, mais toujours est-il que l'intellote Métis et le puissant Zeus passèrent une nuit ensemble.
Mais soudain Zeus reçut un oracle express des deux puissances primordiales, Mamie Gaïa et Papy Ouranos :
"Attention mon petit ! Métis aura d'abord une fille, mais elle accouchera ensuite d'un fils, et le fils qu'enfantera Métis sera d'une force et d'une intelligence supérieure à la tienne, et il te détrônera ! En clair : fais gaffe à l'intellote son gosse il s'ra plus fort que toi !"
"Aïe", se dit Zeus. Car il savait que tout comme il avait détrôné son père, tout comme son père avait détrôné son grand-père, il riquait de se faire lui aussi détrôner, s'il ne trichait pas un peu avec le destin. Alors, quand il vit Métis enceinte et sur le point d'accoucher, il s'approcha d'elle sournoisement par-derrière, l'attrapa et, réinaugurant la super-technique anti-fistons rebelles de son père Cronos, il avala tout rond la déesse.
Mais on ne consomme pas de divinités sans risquer de graves troubles digestifs. Comme le dieu se promenait aux alentours du lac Triton, il fut pris d'une migraine affreuse. Héphaïstos, qui était avec lui, s'inquièta quelque peu, d'autant plus que les dieux de l'Olympe ne connaissaient pas le paracétamol :
- Hé beau-papa Zeus, qu'est-ce qui t'arrive ?
- T'occupe... Tiens, donne-moi un coup de hache sur la tête...
- HEIN ? QUOI ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?
- Fends-moi le crâne JE TE DIS !
- Hein ? euh... bon, Zeus, c'est comme tu veux...
Et Héphaïstos, de toute la force des ses bras difformes, souleva une hache et fendit le crâne du grand Zeus. Voilà pour le moins une méthode radicale contre la migraine... Mais, au lieu des flots de sang et de cervelle bien gore qui auraient dû couler, sortit de la tête de Zeus une jeune femme minuscule, armée de pied en cap, avec lance, épée, bouclier et tout le bazar. Athéna, déesse des arts de la guerre, de la sagesse et de l'artisanat, était née.
On dit même que le Soleil, pour fêter l'évènement, fit pleuvoir une pluie dorée. Joyeuse naissance Athéna, les félicitations au papa et à la maman dans le tube digestif du papa !
[Zeus : "La péridurale, c'est pour les chochottes. Tentez la tronçonneuse."]
Par la suite, la petite déesse fut élevée sur les bords du lac Triton, sous la garde du dieu Triton (fils de Poséidon et d'Amphitrite si vous voulez tout savoir). Elle y jouait avec d'autres petites déesses guerrières, genre Niké (la Victoire) et Pallas, fille de Triton. Comme elles étaient un peu garçon manqué, Athéna et Pallas se disputèrent un jour, en gosses obstinées, si bien qu'elles en vinrent aux armes : elles sortirent leur lance, se firent face, se montrèrent les dents et songèrent à se bastonner grave telles des filles caïds du 9-3.
Mais, du haut de l'Olympe, Zeus, qui était un peu papa poule (et Athéna était sa fille préférée de toute façon), vit Athéna et Pallas en train de lancer leurs javelots l'une sur l'autre ; inquiet pour sa gamine, il fit irruption sur le lieu du drame, et brandit l'égide.
- C'est quoi ce truc ? fit Pallas effrayée, mais Athéna pendant ce temps ne put pas retenir son arme, et paf, Pallas tomba par terre zigouilllée d'un grand coup de lance.
Depuis, Athéna, pour se faire pardonner, porte comme surnom le nom de Pallas. Elle a aussi fait faire une statue de son amie, en bois, haute d'un mètre cinquante, le Palladion. Ce qui est vachement plus économique que de verser des indemnités à la famille.
[On voit sur cette photo que Niké (dans la main droite d'Athéna) a elle aussi de légers problèmes de santé. Décidément, la fréquentation d'Athéna, c'est dangereux.]
Sources : Hésiode, Théogonie ; Apollodore, Bibliothèque ; Pindare, Olympiques.